![Sophie MICHEAU : « Savoir prendre soin de soi est une compétence à part entière »](https://cdn.prod.website-files.com/67288445fbcd5c8890c733c8/6780fcfef913bf9c66bf9fbf_smm.jpg)
Dirigeante et coach du cabinet HUMANNE, spécialisé dans l’équilibre carrière et santé des managers et des dirigeants, Sophie Micheau aide ces derniers à (re)penser leur rapport au travail et à la santé, à mieux appréhender leurs besoins et à prendre soin d’eux-mêmes.
De nombreuses études ont fait la preuve que la bonne santé mentale du dirigeant et la bonne marche de l’entreprise étaient indissociables l’une de l’autre ? Est-ce aussi votre avis ?
« Je partage ce constat d’un lien intime entre la santé globale de la dirigeante ou du dirigeant et celle de son entreprise. Par santé globale, j’entends la santé physique, mentale, émotionnelle et relationnelle. Il me semble essentiel de porter ce message dans le monde économique et de sensibiliser les dirigeants à la nécessité de prendre soin de soi, dans une dynamique préventive, positive et surtout non culpabilisante. Nous sommes tous plus ou moins en bonne santé mentale et cela fluctue au cours de notre vie. Les dirigeants sont particulièrement engagés et exposés aux enjeux économiques et humains de leur activité, à la charge de travail, à la charge mentale, au stress, aux problèmes de santé et d’équilibre entre vie personnelle et professionnelle. Derrière l’image forte cultivée par la société et certains dirigeants eux-mêmes, se cache souvent une certaine vulnérabilité et parfois même une véritable souffrance liée au travail. »
A partir de quand peut-on dire de la santé mentale d’un chef d’entreprise qu’elle est altérée. Lorsque sa capacité à se projeter, à mener, à décider est elle-même mise à mal ? Lorsque l’équilibre entre investissement professionnel et épanouissement personnel est faussé ? Lorsque les non-dits et le repli sur soi prennent le pas sur le dialogue et l’action collective ?
« Certaines définitions de la santé mentale mettent l’accent sur le bien-être psychologique. D’autres insistent sur l’absence de troubles psychiques. En tant que coach professionnelle formée aux Premiers Secours en Santé Mentale, les signaux d’alerte que j’observe le plus souvent chez les dirigeants sont les dérèglements émotionnels, les diff icultés relationnelles, l’altération des compétences, les menaces qui pèsent sur l’équilibre personnel, la tendance à l’ignorance de ses besoins et à l’isolement. Un(e) chef(fe) d’entreprise peut traverser des moments difficiles, mais si ça dure, si elle/il n’identifie pas de perspectives et ne rencontre pas de soutien, cela devient très préoccupant. D’autant que la persévérance peut alimenter des mécanismes de défense qui permettent de tenir le coup et multiplient les risques de déni. »
Le dirigeant de 2024 est-il comme celui des années 80 ou 90, montré en exemple comme un héros capable de résister à tous les vents contraires, de montrer la voie et de guider ses troupes sans jamais vaciller ? Ou découvre-t-on progressivement de nouveaux profils de managers, plus enclins à fendre l’armure, à avouer leurs faiblesses, à communiquer ?
« La santé des dirigeants a longtemps été un tabou et l’injonction à masquer toute vulnérabilité reste forte. Néanmoins, on assiste actuellement à des mutations significatives avec l’émergence de la notion de santé globale et l’évolution des représentations associées à la santé mentale. De plus en plus de personnalités publiques osent parler de leur santé mentale. De nombreux athlètes de haut niveau témoignent de la force que leur confère le fait d’avoir su accepter leurs fragilités. De même, prendre soin de soi et de sa santé mentale peut être un vrai facteur de bien-être, de développement et de performance pour les chefs d’entreprise. »
Comment libérer sa parole lorsqu’on a été habitué, des années voire des dizaines d’années durant, à tout gérer seul et à faire passer les autres avant soi-même ?
« Je crois que la solution passe par une libération des croyances du genre « ça fait partie du job », « c’est dans le dur qu’on apprend », « ça n’arrive qu’aux faibles », « il faut mettre sa vie personnelle entre parenthèses », « à ce poste, on n’a pas le droit de se plaindre »… qui empêchent les dirigeants de s’autoriser à considérer leur santé mentale. En osant justement parler de santé mentale au travail et en adoptant une manière de travailler plus axée sur le « care », on façonne son environnement et on modélise le comportement de ses équipes qui sont alors plus promptes à prendre soin d’elles et de l’entreprise. »
Que doit faire l’entourage lorsqu’il repère des signaux d’alerte chez un dirigeant ou une dirigeante ?
« L’entourage professionnel ou personnel peut être désemparé face aux manifestations de mal-être du chef d’entreprise. Mon premier conseil est de se placer dans une écoute active, sans jugement, de prendre le temps d’accueillir les ressentis et, si possible, de les questionner. En se montrant concerné, on apporte de l’apaisement, des « protections » et on donne des « autorisations » qui peuvent créer des déclics. Pour aller plus loin, on peut aussi demander de quoi la personne aurait besoin ou la mettre en relation avec un professionnel de l’accompagnement. »
Quels sont les premiers conseils que vous donnez à vos clients chefs d’entreprise pour qu’ils apprennent à agir et ou réagir contre leurs propres turpitudes avant qu’il ne soit trop tard. En gros, quand faut-il commencer à s’inquiéter pour sa propre santé mentale ?
« Les dirigeants disposent souvent d’une large panoplie d’indicateurs sur la santé de leur entreprise. Je les invite à se demander comment ils vont EUX ! Cette « météo » permet de se recentrer sur ses émotions et ses besoins, ce qui n’est pas toujours naturel. En complément, je les encourage à identifier les espaces qui leur correspondent pour cultiver leurs ressources en santé mentale. Pour certains, ce sera la lecture, le voyage, une activité, la formation, le coaching et/ ou la thérapie. Les échanges avec des pairs peuvent aussi être précieux. Qu’ils soient sereins, sensibles ou de crise, tous les moments sont bons pour que le dirigeant s’intéresse à sa santé mentale. »
Quel accompagnement proposez-vous sur la durée ?
« Après une « Pause Humanne », parenthèse pour faire le point sur son équilibre, son rapport au « care » et ses besoins, je propose différents formats de coaching professionnel sur mesure. Mes accompagnements offrent un cadre à la fois rassurant et stimulant pour les dirigeants qui ont besoin de se connecter durablement à leurs besoins et de cultiver leurs ressources. Ces accompagnements respectent l’exigence de confidentialité et la déontologie du métier de coach et ne se substituent en aucun cas au travail des professionnels de santé, médecins, thérapeutes. Ils en sont complémentaires. Les bénéfices du coaching peuvent être considérables : limiter les ruminations, apaiser la charge mentale, retrouver du sens, améliorer ses relations… c’est bon pour les dirigeants et pour les entreprises ! »