
Originaire de la région Rhône-Alpes, Coralie Monge a ouvert, il y a un an, son propre atelier de tourneuse sur bois à Brigueil-le-Chantre. Elle est l’un des deux artisans d’art de la Vienne à avoir été retenus pour participer, du 9 au 12 novembre, au très sélect Salon du Made in France de Paris...
Vous avez été choisie pour représenter les métiers d’art et la Vienne au MIF 2023. Qu’attendiez-vous de cet événement et qu’en avez-vous retenu ?
« Par-delà l’honneur qui m’a été fait par la Chambre de Métiers et de l’Artisanat, je retiendrai de ces quelques jours les possibilités de rencontres qu’ils m’ont offertes. Lorsqu’on est toute la journée seule dans son atelier, il faut savoir savourer les rares moments de communion qui se présentent à vous. Ce salon a été l’occasion d’élargir mon horizon, de nouer des contacts, de m’ouvrir sur des marchés potentiels, de me faire connaître de galeries, de fournisseurs… auxquels que je ne pouvais jusque-là avoir accès. Et puis, la plus belle des récompenses a été de pouvoir échanger, partager mon expérience avec des artisans comme moi et de me nourrir de leurs conseils, de leurs questions, de nos difficultés et intérêts communs… Dans la Vienne, on peut le regretter, trop rares sont encore ces lieux et moments de découverte et de fusion des compétences. »
Vous-même vous êtes formée au contact de Compagnons et avez beaucoup appris de vos rencontres ?
« C’est un euphémisme que de le dire. Plus jeune, j’ai débuté une carrière d’éducatrice spécialisée, avant de donner un tout autre sens à ma vie à l’âge de 25 ans. Je me suis effectivement formée à la menuiserie-ébénisterie et à la marqueterie auprès de Compagnons, puis je me suis spécialisée, il y a cinq ans, au tournage sur bois, un art hypnotique découvert chez un maître-pipier jurassien. En arrivant dans la Vienne, j’ai eu la chance d’être présentée au Meilleur Ouvrier de France 2023, catégorie tourneurs, le Chauvinois Patrick
ARLOT et j’ai eu le sentiment de grandir encore à son contact. Tout ce que j’ai appris, je rêve de le transmettre au plus grand nombre. Même si mon entreprise est récente, même si, à 33 ans, je suis encore jeune, je fais de ce devoir de transmission un moteur d’engagement. C’est d’ailleurs à ce titre que je vais lancer, en janvier, mes premiers stages d’initiation. J’ai hâte. »
“ Quand on a une boîte à idées, elle ne fonctionne jamais aussi bien que lorsqu’elle est connectée avec les idées des autres. ”
Exercer une activité solitaire, presque intimiste, à la campagne, n’est-ce pas trop difficile à supporter ?
« Je persiste à penser que l’enrichissement vient des autres et que l’ouverture d’esprit est indissociable d’une vie réussie. Quand on a une boîte à idées, elle ne fonctionne jamais aussi bien que lorsqu’elle est connectée aux idées des autres. Etre souvent seule à travailler peut donc parfois être pesant, mais dans mon cas, la ruralité a aussi du bon. L’atelier que j’ai ici, je ne pourrais en payer le loyer à Paris ou dans une tout autre grande ville. Et l’intimité est bonne conseillère pour assurer un développement rapide de son activité. Enfin, depuis un an, j’ai la certitude d’apporter ma pierre à l’édifice de l’économie locale, je participe au dynamisme de la commune et c’est une belle fierté. Après, je ne peux que reconnaître la difficulté à vivre de ses créations. La passion qui guide tout artisan d’art n’est pas une garantie de réussite financière. Moi-même, je suis satisfaite du chemin parcouru depuis un an, mais j’ai besoin de voir plus loin, pour mes relais dans les territoires, mes réseaux de distribution, mes expositions grand public, et plus haut, en gamme, en qualité, en format, en prix… pour rentabiliser mon investissement. La diversification que j’ai choisie, avec fabrication de vaisselle et d’objets déco, mais également restauration et fabrication de meubles, est en ce sens indispensable. »
Quelle serait, pour vous, la définition de l’excellence ?
« L’excellence, c’est la persévérance dans la pratique de son art, de son métier, de sa passion. C’est ne jamais cesser de travailler le détail, de peaufiner, d’enrichir et de s’enrichir. Exercer un métier d’excellence, c’est placer sa technique au service de l’émotion. »